Dernièrement j’écris parfois sur un forum serbe, si le sujet m’inspire.
Alors hier j’ai pas mal écrit à un sujet intitulé «Le syndrome du silence».
Evidemment je pourrais juste traduire ce que j’ai écrit là-bas, mais ce serait
de la reproduction d’une pensée déjà exposée, alors que moi, en écrivant, je
laisse ma pensée couler.
En guise d’introduction je vous rappellerai ce conte d’Andersen intitulé
« Les habits neufs du roi », dans lequel le roi, dupé par des filous,
parade tout nu, acclamé par une foule qui fait comme si de rien n’était. Il y
avait seulement cet enfant qui… mais bon, vous connaissez l’histoire.
Alors, dans un registre semblable – si j’entends mes voisins hurler en se
disputant, si j’entends de la vaisselle se briser, des meubles cogner contre
les murs, je fais quoi ?
Ben je me tais, bien sûr… Car demain ils roucouleront… Et quand bien même j’appellerais
les flics, ils diraient – Ah madame, s’il n’y a pas délit, on n’y peut rien…
Ils se disputent comme beaucoup. (sous délit il faut comprendre « tant
qu’ils ne s’entretuent pas »). La police peut éventuellement leur signaler
qu’ils ne doivent pas perturber « l’ordre public ».
Est-ce que je me sens bien en gardant le silence? Non. Mais est-il plus facile de me dire – ce
ne sont pas mes oignons… Ben oui…
Je ne peux pas m’aider moi, me persuader moi que je peux vivre mieux et
faire plus d’efforts dans ce sens. Je ne peux rien dans ce sens pour mes
proches, bien que j’aie essayé beaucoup de fois, comme ils le font pour moi.
Alors me mêler de la vie des voisins, vous pensez bien que je ne ferai pas.
Cet exemple de voisins est fictif et même moi je suis fictive dans cet
exemple. Mais je fais comme si…
Je suis une petite égoïste insensible, finalement. Oui, bien sûr, je chiale
en regardant des films tristes, j’aime les animaux, la nature, on dit que je
suis une bonne personne. Mais suis-je capable d’élever la voix contre la
violence, de me révolter contre l’injustice, la fausseté, la malhonnêteté, et
j’en passe ? Capable, je le suis, en fait. Mais est-ce que je le
ferais ? Euh… Très douteux…
Je suis peut-être un mauvais exemple pour illustrer ma pensée ici, car je
ne fais pas assez pour régler mes propres problèmes, comme je l’ai dit plus
haut. Mais qu’en est-il de mes proches, de mon entourage? C’est du pareil au
même, hein ? Les exemples sont nombreux. Mon frère en a cité un excellent
sur le forum dont je parle.
Il y a quelques années, dans notre petite rue circulait une bande de
toxicomanes qui en plus trafiquait des stupéfiants. Mon frère et nos deux
voisins (de mon âge, les voisins, chacun père de deux adolescentes) discutaient
dans la rue, et mon frère avait proposé de faire quelque chose pour empêcher au
moins les toxicomanes de circuler par là. Ce à quoi les voisins (dont l’un
avait travaillé dans la police à un moment, d’ailleurs) ont répondu :
« Ah ça, tant que ça me concerne pas… !!! »
Ils attendaient peut-être de voir leurs filles tomber sous l’influence de
la bande pour que ça les concerne ?
Evidemment, si cela arrivait, ils se transformeraient en tigres…
Et les exemples sont nombreux, en allant de nos petits microcosmes jusqu’à
des niveaux plus généraux. Heureusement qu’ici le peuple en avait trop marre et
que de 1991 jusqu’en 2000, beaucoup de choses se sont passées, beaucoup de gens
courageux ont agi et l’abcès du régime qui a vu éclater la vieille Yougoslavie
et qui a ramené la Serbie à une époque très sombre a crevé. Parce que les gens
agissaient ENSEMBLE, oui, mais pour parvenir à une vie meilleure surtout encore
dans leurs « microcosmes » à eux, pour avoir à manger mieux, pour
pouvoir s’habiller et se chauffer (et
ça, ce n’est toujours pas gagné…)
Il en est de même à présent pour le Kosovo, qui, de toute évidence, va
devenir indépendant dans quelques jours. Pour nos politiciens, l’essentiel est
de s’égosiller que « la Serbie ne renoncera jamais au berceau de sa
spiritualité et de sa culture », et Belgrade propose aux Albanais du
Kosovo « une autonomie substantielle » qui signifie quasiment une
indépendance totale, sous condition que la Serbie garde ses compétences dans la
politique extérieure, le contrôle des frontières et la protection du patrimoine
spirituel et culturel serbe. Pour Belgrade, il en est ainsi. Les Albanais du
Kosovo voient la situation d'un tout à fait autre oeil et refusent tout sauf l’indépendance, et ils savent bien pourquoi ils
insistent sur ce point. Parce que le Kosovo est vraiment « parti »
dès la fin de l’intervention de l’Otan en 1999. C’est à ce moment-là que se
sont tissés « les habits neufs du roi ». Et la «foule » d’hommes
politiques, aussi bien du régime de Milosevic que ceux d’à présent, les
démocrates de tout acabit (sans oublier
les radicaux hein ?) clame toujours : « On ne donnera pas le
Kosovo !!! »
Et nous, le peuple, le petit enfant du conte, nous balbutions… « Mais…
mais…le Kosovo n’est plus serbe depuis belle lurette !!!! » Nous ne
crions même pas… A quoi bon ?
Parce que toute cette histoire n’a pas grand-chose à voir avec les intérêts
des Albanais, et encore moins des Serbes du Kosovo ou de la Serbie. Le Kosovo
est, pour faire bref et pour pas dire des bêtises car je ne m’y connais pas en
géopolitique, un bon territoire stratégique, de par sa position géographique et
de par sa richesse en mines.
Mais, il faut qu’il y ait une foule qui clame (les hommes politiques), des
habits neufs invisibles (le Kosovo qui sera indépendant et tout le monde le
sait) et l’enfant (le peuple) qui ne crie même pas, car il a d’autres chats à
fouetter – que manger demain et comment payer ses notes…
Vous avez compris que ces politiciens qui s’égosillent, ils se taisent en
fait, impuissants devant ce qui est évident. Chez nous on dit : « La
politique est la plus grande des putes ».